Introduire les notions de centres et de périphéries en classe de 4e

La notion de mondialisation est le fil conducteur du programme scolaire français en classe de 4e en géographie (voir notamment le billet "Introduire le concept de mondialisation en classe de 4e" et le billet proposant une séquence "Introduction à la mondialisation").

Ce fil conducteur amène à "déployer", de chapitre en chapitre, plusieurs concepts-clefs de la géographie :

• le degré d'intégration à la mondialisation,
• et la dialectique centres/périphéries.

Ces notions sont, dans la suite du cursus scolaire de l'élève, approfondies en classe de Terminale générale (thème 2 : "Dynamiques territoriales, coopérations et tensions dans la mondialisation") ou de Terminale technologique (thème 2 : "Des territoires inégalement intégrés dans la mondialisation, en fonction des décisions publiques et des stratégies des entreprises"), mais elles ne le sont pas, du moins pas directement, dans la voie professionnelle.

Dans la géographie universitaire, le modèle centres/périphéries, proposé par Alain Reynaud à la fin des années 1970 et au début des années 1980 (notamment avec son ouvrage Société, espace et justice) a été complexifié, notamment par les réflexions sur les concepts de marge / marginalité / marginalisation (Samuel Depraz), voire parfois contesté (Gérard-François Dumont).

Néanmoins, dans la géographie scolaire, il permet de construire, chez les élèves, un premier cadre de pensée pour réfléchir aux rapports de domination, aux interactions des acteurs dans l'espace et aux différenciations de l'espace. Ainsi, Christian Grataloup précise que "centre / Périphérie permet une description de l’opposition des lieux, mais surtout propose un modèle explicatif de cette différenciation : la périphérie est subordonnée parce que le centre est dominant- et réciproquement. [...] Penser en termes de centre(s) et de périphérie(s) permet une réflexion sur l’interaction entre les lieux du Monde : des liens de dépendance réciproque où les inégalités sont la règle, mais qui ne fonctionnent pas à sens unique" (Christian Grataloup, "Centre / périphérie", Hypergéo, 23 décembre 2004).

Dans la géographie, le couple "centres/périphéries" apparaît parfois de manière explicite dans les séquences portant sur les espaces urbains (par exemple, en classe de 4e dans la séquence sur "Espaces et paysages de l'urbanisation : géographie des centres et des périphéries", mais aussi en classe de 3e dans la séquence sur les espaces urbains en France avec la notion d'aire urbaine), mais, le plus souvent, presque à rebours de sa mobilisation dans la géographie universitaire*, de manière implicite, notamment autour de la notion de mondialisation.

* Christian Grataloup note ainsi que : "c’est particulièrement au niveau mondial qu’il a fait fortune, comme équivalent des couples monde développé / monde sous-développé ou Nord / Sud. [...] Ce concept a donc surtout été utilisé dans des réflexions tiers-mondismes, plus ou moins comme instrument de mauvaise conscience pour les habitants des pays occidentaux" (Christian Grataloup, "Centre / périphérie", Hypergéo, 23 décembre 2004).

LE COUPLE "CENTRES / PÉRIPHÉRIES" COMME FIL CONDUCTEUR EN CLASSE DE 4e :

L'explicitation des notions de centres et de périphéries en classe de 4e s'impose dans la séquence sur les "Espaces et paysages de l'urbanisation : géographie des centres et des périphéries". En effet, les termes sont employés dès le titre de la séquence, ce qui rend nécessaire leur définition. Cette explicitation permet aux élèves de s'emparer de manière plus efficace, l'année suivante, du modèle de l'aire urbaine et de la schématisation de ce modèle.

Néanmoins, on propose ici de réfléchir à ne pas restreindre l'emploi du couple centres/périphéries aux seuls espaces urbains, et de le penser comme un fil conducteur pour l'ensemble du programme de la classe de 4e. Ainsi, ce fil conducteur éclaire les conséquences de la mondialisation sur les territoires, par la différenciation qu'elle produit à toutes les échelles.

• Le raisonnement multiscalaire : Le couple "centres / périphéries" permet de faire penser, avec une grille de lecture commune, les différenciations spatiales induites par la mondialisation à plusieurs échelles : à l'intérieur des espaces urbains (sous-thème 1 du thème 1 : "Espaces et paysages de l’urbanisation : géographie des centres et périphéries"), entre les espaces urbains à l'échelle mondiale (sous-thème 2 du thème 1 : "Des villes inégalement connectées aux réseaux de mondialisation"), à l'intérieur d'un espace national (sous-thème 2 du thème 3 : "L’adaptation du territoire des États-Unis aux nouvelles conditions de la mondialisation"), à l'intérieur d'un espace régional (sous-thème 3 du thème 3 : "Les dynamiques d’un grand ensemble géographique africain (au choix : Afrique de l’Ouest, Afrique orientale, Afrique australe)"), et à l'échelle mondiale (sous-thème 1 du thème 2 : "Un monde de migrants", sous-thème 2 du thème 2 : "Le tourisme et ses espaces" et sous-thème 1 du thème 3 : "Mers et océans : un monde maritimisé").

• Le raisonnement géographique : Le couple "centres / périphéries" met en exergue les conséquences de la mondialisation, c'est-à-dire qu'il permet de faire penser la troisième étape du raisonnement géographique, là encore avec une grille de lecture commune à l'ensemble des sous-thèmes abordés dans le programme de la classe de 4e.

=> Ainsi, le couple "centres / périphéries" offre une grille de lecture opératoire pour initier les élèves de cycle 4 à la pensée géographique, et leur permettre de s'approprier la notion (fort conceptuelle pour les élèves) de mondialisation, en permettant de caractériser et différencier les territoires en fonction de leur degré d'intégration dans la mondialisation. La réflexion peut se poursuivre, au lycée, en introduisant les notions de marge et de marginalité, qui permettent d'approfondir la complexité géographique.