Un mot : La répartition spatiale

De nombreux dialogues de la série Kaamelott me font penser à des scènes quotidiennes en classe : le vocabulaire que les enseignants emploient n'est pas toujours reçu par les élèves comme une "évidence" et crée de nombreux malentendus cognitifs pour certains élèves. Cela peut être anecdotique dans le parcours de l'élève (quelques fois par jour, mais l'élève possède les ressources pour contourner l'implicite en en interprétant le contexte général), mais, pour les élèves en difficulté, cela relève du permanent. Ainsi, certains de nos élèves se retrouvent à la place des chevaliers de la Table ronde face aux discours d'Arthur ou de son beau-père. Le décalage, dans la série Kaamelott, crée un ressort humoristique, mais pour des élèves vivant ce décalage en permanence, il est source de démotivation scolaire, voire de décrochage scolaire.

Source : © Bénédicte Tratnjek, 13 août 2023.
Source : © Bénédicte Tratnjek, 13 août 2023.

Certains termes de la géographie scolaire sont, ainsi, employés comme relevant de "l'évidence" sans nécessairement avoir été explicités aux élèves. C'est le cas de la notion fondamentale de répartition spatiale. Alors qu'elle est employée dans tous les thèmes de la géographie scolaire puisqu'elle est au fondement du raisonnement géographique, elle est rarement définie.

 

À titre d'exemple, on pourra remarquer que le terme de "répartition" présent dans le titre du sous-thème "La répartition de la population dans le monde et ses dynamiques" en classe de 6e n'est jamais défini dans les ressources parascolaires (manuels, sites d'accompagnement, etc.). Pourtant, la description et l'explication de cette répartition de la population dans l'espace est l'objet principal de ce sous-thème. Mais cette notion est sous-entendue comme "évidente" pour les élèves, sans nécessairement l'être, créant, dès le cycle 3, des malentendus cognitifs autour des savoirs et des savoir-faire disciplinaires.

 

Pour l'enseignant, cette notion est déjà un acquis, une "évidence" pour l'élève lorsqu'il l'emploie (supposant notamment une définition préalable, faite sur les années précédentes). Le terme même de "répartition" apparaît le plus souvent comme relevant du vocabulaire courant et acquis par des élèves à partir du cycle 3, donc dès les débuts de l'enseignement du raisonnement géographique.

 

Pourtant, pour de nombreux élèves, le terme de "répartition" pose problème, tout comme la polysémie du terme "espace" et de son adjectif "spatial".

 

 

 

DÉFINIR LA NOTION DE "RÉPARTITION SPATIALE" :

Afin d'expliciter la démarche géographique aux élèves, il faut dans un premier temps expliciter les termes employés :

  • répartition : manière dont une chose est dispersée ou partagée
  • espace géographique : portion de l'étendue terrestre habitée, utilisée et transformée par les êtres humains
  • objet géographique : chose (matérielle ou non) qui a une dimension dans l'espace, qui met en jeu des lieux
  • répartition spatiale : manière dont un objet géographique est implanté dans l'espace

Définir ne suffit pas à lever les malentendus cognitifs et à permettre une appropriation réelle de la notion de répartition spatiale par les élèves. Reformuler puis faire reformuler par les élèves à chaque usage de la notion, sans supposer que celle-ci est déjà acquise par tous les élèves.

 

 

TERMES

DÉFINITIONS ÉCRITES

REFORMULATIONS ORALES



RÉPARTITION

 

 


manière dont une chose est dispersée ou partagée

 

 


Étudier la répartition, c'est dire où sont les choses qu'on observe :

  • c'est ici, ce n'est pas ici ;
  • ici il y en a beaucoup, là il y en a peu.


ESPACE GÉOGRAPHIQUE

 

 

 

 

 


portion de l'étendue terrestre habitée, utilisée et transformée par les êtres humains


Il ne s'agit pas de "l'espace" au sens de l'astronomie où l'on trouve d'autres planètes. Il s'agit de l'espace sur lequel on vit : la portion d'étendue terrestre, le "morceau de terre" qu'on habite, où on se déplace, qu'on utilise pour ses ressources, où on fait des constructions, etc.



OBJET GÉOGRAPHIQUE

 

 

 

 

 


chose (matérielle ou non) qui a une dimension dans l'espace, qui met en jeu des lieux


Il s'agit de tous les sujets qu'étudient les géographes : la population, les ressources, les richesses, les risques, etc. sont des objets géographiques, parce qu'ils ont des lieux, des espaces, des flux, des réalités matérielles dans l'espace.



RÉPARTITION SPATIALE

 

 

 

 


manière dont un objet géographique est implanté dans l'espace


En géographie, on décrit la manière dont les objets géographiques sont dispersés dans un espace => s'interroger sur la répartition spatiale, c'est se demander "où" se situe un objet géographique dans l'espace (ex : "où sont les richesses dans le monde ?").


CARACTÉRISER LA RÉPARTITION SPATIALE :

L'intérêt de définir la notion de répartition spatiale est d'amener les élèves à mieux appréhender ce qui est attendu lorsqu'on leur demande de décrire et de caractériser la répartition spatiale d'un objet géographique.

 

À l'oral, il s'agit de leur présenter la spécificité du regard géographique : expliquer "pourquoi ici, et pas ailleurs". Pour donner ici un exemple concret de ce que j'entends ici par "spécificité du regard géographique", on peut proposer la comparaison entre la sociologie urbaine et la géographie urbaine qui ont toutes deux pour objet les espaces urbains. Ces deux regards ne s'opposent absolument pas (ils se complètent même), mais pour les sociologues et les géographes, la première question n'est pas la même : alors que les sociologues observent la société dans les espaces urbains pour en définir les caractéristiques, questionner les facteurs et les conséquences de ces caractéristiques, les géographes observent en premier lieu les réalités spatiales des espaces urbains (fonctions urbaines, densité de population, densité de bâti, types de bâti, types de paysages, etc.) pour en questionner les facteurs et les conséquences. Les sociologues entrent par la société, les géographes par l'espace.

 

Ainsi, en géographie, il s'agit de comprendre d'abord les spatialités des objets géographiques. En géographie scolaire, il s'agit de transmettre les trois étapes du raisonnement géographique, qui reposent sur la compréhension de l'inégale répartition des objets géographiques.

 

Ainsi, pour les élèves, il s'agit de comprendre qu'en décrivant un objet géographique dans l'espace, ils doivent conclure que cet objet est inégalement réparti dans l'espace, à toutes les échelles. Par exemple, la population, les ressources en eau, les risques ou encore les richesses sont inégalement réparties. À l'aide d'un schéma simple, on peut expliquer comment caractériser la répartition spatiale, tout d'abord en commençant par distinguer, de manière simple dès le cycle 3, deux grands types de répartition spatiale : égale ou inégale.

 

Répartition spatiale par Benedicte Tratnjek

 

L'observation d'une inégale répartition des objets géographiques dans l'espace introduit la description de celle-ci avec des phénomènes de concentration, de polarisation, de densification, etc. Progressivement, par l'expérimentation récurrente du raisonnement géographique, les élèves peuvent ainsi acquérir un vocabulaire précis (il ne s'agit évidemment pas d'introduire des notions complexes, telles que la polarisation, dès le cycle 3 !) en le maîtrisant, plutôt qu'en le "plaquant" sans trop en voir le sens.

 

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