Le billet "Apprendre à apprendre en géographie : le travail personnel de l'élève hors la classe (2/3)" présentait les outils de mémorisation active mis en place pour faciliter et rendre efficace la mémorisation hors la classe.
Parmi les outils proposés, figure la fiche de mémorisation active, mais pas de fiches de révisions. Pourtant, mes élèves disposent, hors la classe (à la maison, mais aussi au C.D.I., en salles d'études et en salles de Devoirs faits) et dans la classe (sur la table d'aide - qui a été présentée rapidement dans le billet "Feuille de route et plan de travail : Favoriser l'autonomie et l'engagement en géographie (ou ailleurs)" et sera prochainement détaillée dans un billet portant sur le travail personnel de l'élève dans la classe), d'un manuel constitué de toutes les fiches "Connaissances" de l'année (qui se rapprochent des fiches de révision telles qu'elles existent "traditionnellement", mais sont construites par l'enseignant comme support de vérification et d'acquisition des des connaissances).
Le choix de ne pas présenter cet outil dans le billet sur la mémorisation hors la classe est volontaire : les fiches de révision n'ont pas le même impact sur la mémorisation que les fiches de mémorisation active. Pourtant, les deux sont souvent présentées comme équivalentes en termes de mémorisation, voire confondues, parce que les stratégies d'apprentissage efficaces ne sont pas celles que nous utilisons intuitivement. Ainsi, la fiche de révision est souvent associée à un outil facilitant la mémorisation par confusion entre l'objectif (les fiches de révision sont le plus souvent construites avec l'intention de faire mémoriser) et le résultat (malgré cette intention claire, elles ne sont pas le meilleur outil permettant pas d'atteindre le résultat attendu).
En effet, la fiche de révision relève d'une stratégie d'apprentissage passive : l'élève lit et relit les informations, qui sont organisées, hiérarchisées pour faciliter sa compréhension. Néanmoins, la démarche reste passive, ce qui est peu efficace en termes d'apprentissage. Autrement dit, apprendre avec des fiches de révision est coûteux en temps et en efforts, ce qui peut être facteur de démotivation et de sentiment d'incompétence pour l'élève (or, le sentiment de compétence chez l'élève est l'un des ingrédients pour favoriser la motivation scolaire). À l'inverse, les fiches de mémorisation active permettent à l'élève de procéder par questionnement, une des stratégies de mémorisation efficace selon les sciences cognitives de l'apprentissage. Ainsi, avec cet outil, la mémorisation est active, et donc bien plus efficace.
Exemples de fiche de connaissances (à gauche) et de fiche de mémorisation (version à compléter avec les élèves au centre et exemple de version complétée à droite) pour une même partie (III/) du chapitre "Introduction à la mondialisation" en classe de 4e
Lire la géographie : l'utilisation des fiches connaissances
Il ne s'agit pas ici de revenir sur les intérêts de la fiche de mémorisation active en termes d'efficacité de mémorisation (voir le billet "Apprendre à apprendre en géographie : le travail personnel de l'élève hors la classe (2/3)") à partir du moment où l'outil est explicité (utilité, usages, fonctionnement) et expérimenté dès la classe.
Il ne s'agit pas non plus de dire que les fiches de révisions ne servent absolument pas : elles servent, mais souvent pour des objectifs autres que ceux qu'on leur attribue spontanément (comprendre et repérer les essentiels plutôt que mémoriser). Tout comme les fiches connaissances. Il s'agit donc d'expliciter l'utilité et le fonctionnement de chaque outil aux élèves, pour qu'ils ne soient pas mobilisés de manière contre-productive (ce qui est démotivant pour les élèves, mais aussi pour les enseignants tant ces outils sont chronophages dans leur conception).
- fiche de mémorisation active : outil facilitant la mémorisation en la rendant plus efficace en procédant par questionnement,
- fiche de révision : outil facilitant le repérage de l'élève dans son cours, la distinction entre les connaissances et les activités permettant d'aboutir à ses connaissances, la compréhension des idées et de leur hiérarchisation,
- fiche de connaissances : outil facilitant, par la lecture, l'acquisition du langage de la discipline et la compréhension des connaissances.
Pour accompagner mes classes, j'ai choisi de combiner fiches de connaissances et fiches de mémorisation active. Les fiches de mémorisation active sont complétées en classe (voir dans le prochain billet sur le travail personnel de l'élève dans la classe). Elles constituent ainsi à la fois la trace écrite et un outil facilitant la mémorisation.
En parallèle, les fiches de connaissances sont organisées sous la forme d'un "manuel" (un livret regroupant l'ensemble des fiches de révisions de l'année) distribué en début d'année à chaque élève. Les élèves n'ont pas à l'amener dans l'établissement scolaire : le livret est aussi disponible en plusieurs exemplaires dans la salle de classe, au C.D.I., en salles d'études et en salles de Devoirs faits.
Exemple du "manuel" de géographie de la classe de 4e composé de fiches de connaissances
Exemple du "manuel" de géographie de la classe de 5e composé de fiches de connaissances
UN BESOIN MATÉRIEL ET FONCTIONNEL : UN MANUEL DE FICHES DE CONNAISSANCES
Dans mon établissement scolaire, les élèves ne disposent pas des manuels scolaires eux-mêmes (qui ne sont pas assez nombreux pour être distribués par élève puisque nous disposons d'un manuel pour 4 élèves). Ceux-ci restent dans les salles de l'établissement. Cela a permis à l'équipe de disposer de deux manuels par niveau, plutôt qu'un seul, et donc de pouvoir multiplier, mixer les documents couleur utilisés en classe sans "subir" le manuel, c'est-à-dire en composant avant tout avec ses objectifs d'enseignement plutôt que par des contraintes matérielles. C'est aussi un choix par rapport au poids du sac des élèves.
C'est pourquoi, les fiches "Connaissances" (volontairement appelées autrement que "fiches de révision" pour bien distinguer la fonction de ce "manuel" - je mets des guillemets car il n'a nullement la prétention de valoir les manuels proposés par les éditeurs, rédigés par plusieurs auteurs et relus par de nombreuses personnes, ni d'en proposer toutes les fonctions, mais le terme a l'objectif de servir de repère pour les élèves et les familles sur sa fonction) présentées ci-dessus sont un mixte entre les parties "leçons" des manuels et les fiches de révisions.
Le fait de faire son propre "manuel" a l'avantage de faire "coller" précisément toutes ces fiches Connaissances au déroulé du cours, notamment en cas de programmation plus personnelle (à titre d'exemple, en géographie en classe de 4e, j'insère en début d'année un chapitre "Introduction à la mondialisation" pour lequel les manuels ne présenteraient pas de partie "leçon" vers laquelle renvoyer les élèves). Ainsi, les titres des parties à l'intérieur de ce "manuel" sont strictement identiques aux ceux des traces écrites et de tous les autres outils mis en place pour favoriser la mémorisation active (notamment les fiches de mémorisation). Ils permettent alors aux élèves de se repérer facilement et ce qui facilite leur compréhension. C'est d'autant plus important lorsque ces titres participent de l'enseignement (par exemple, en géographie, il s'agit de proposer un découpage des chapitres toujours strictement identique pour transmettre, par répétition et mimétisme, le raisonnement géographique, à travers la structure des cours elle-même). Ils permettent également aux accompagnants (familles, intervenants Devoirs faits) de se situer dans les connaissances en cours d'acquisition.
UN USAGE SÉMANTIQUE : LIRE LA GÉOGRAPHIE POUR APPRENDRE À LA DIRE
Si lire des connaissances n'est pas une stratégie efficace pour la mémorisation, cela signifie nullement que cela ne sert à rien. Chaque discipline présente un langage et un vocabulaire qui lui sont propres. Pour se les approprier, l'élève doit mémoriser un lexique disciplinaire, mais cette étape n'est pas suffisante pour acquérir le langage de la discipline. Pour faire une comparaison, apprendre du vocabulaire dans une langue étrangère est nécessaire, mais pas suffisant pour formuler des phrases. Ainsi, lire les connaissances fait partie des moyens pour s'approprier les formulations, les expressions, les justifications, les arguments dans une discipline telle que la géographie. Si dans d'autres disciplines, cette lecture peut se faire par d'autres moyens (par exemple, des romans pour jeunes se développent en histoire, combinant la lecture d'un roman et la (re)découverte de connaissances historiques), c'est plus difficile en géographie, mal-connue par les éditeurs et beaucoup moins représentées dans les magazines pour jeunes (souvent réduite à des hors-séries).
Le premier objectif en distribuant ce livret (intitulé "manuel de géographie" pour les élèves) est donc de les faire lire des connaissances présentées sous la forme de textes. La présentation est donc davantage celle d'un "manuel" du fait de ce choix qui vise à permettre aux élèves de mieux comprendre en s'accoutumant au langage de la discipline (vocabulaire et formulation).
UNE INTERACTION FAMILLE/ÉCOLE : UN OUTIL POUR AIDER LES FAMILLES À CONNAÎTRE CE QUE LEURS ENFANTS TRAVAILLENT
Le manuel sert aussi pour le lien avec les familles. Beaucoup de parents soulignent, à juste titre, que les contenus scolaires en géographie ont beaucoup changé depuis leur propre expérience scolaire. Effectivement, les programmes scolaires sont aujourd'hui dans une démarche qui explique le monde par le raisonnement géographique, et non plus une démarche qui "seulement" décrit le monde. La géographie-catalogue perçue par de nombreux parents n'est donc plus celle enseignée, et cela peut créer une difficulté pour accompagner les enfants hors la classe. Ce manuel reste donc à la maison toute l'année, car il est conçu comme un outil commun. Les familles peuvent ainsi lire les fiches connaissance et se repérer dans les apprentissages de leurs enfants (il s'agit bien ici de les accompagner dans le fait de connaître les attendus scolaires, et non de remplacer l'enseignement à la maison).
=> Les fiches connaissances sont utiles non pour apprendre les connaissances, mais pour familiariser l'élève au langage disciplinaire (par exemple, parler de contraintes et non d'obstacles dans un territoire), pour qu'il s'approprie les formulations et qu'il apprenne à utiliser le vocabulaire de la discipline en contexte.
De plus, dans le cadre d'une démarche mettant systématiquement en avant, par le plan de chaque chapitre, le raisonnement géographique, les fiches connaissances permettent d'améliorer la maîtrise de ce raisonnement en amplifiant la récurrence, pour l'élève, de sa "rencontre" avec le raisonnement géographique.
Source de l'image : Dessin original de Jack Koch, partage sur Facebook, octobre 2019.
De l'emploi "réel" des fiches de révision en géographie
Alors que les fiches de révision sont toujours présentées comme un outil facilitant la mémorisation, elles me semblent avoir, en réalité, d'autres utilités qui sont sous-estimées, tout particulièrement parce qu'elles favorisent la compréhension des connaissances et le repérage de la hiérarchisation des idées.
Tout d'abord, la mémorisation est passive dans l'utilisation d'une fiche de révision. C'est d'autant plus prégnant quand celle-ci a été construite par une tierce personne (qui est généralement l'enseignant, mais aussi ces fiches peuvent aussi émaner de ressources parascolaires ou être des fiches partagées en ligne).
La mémorisation passive est bien moins efficace, en termes de rétention des apprentissages, que la mémorisation active. Lire et relire des connaissances (peu importe le format) n'est, en effet, pas une stratégie d'apprentissage efficace. Il ne s'agit pas de dire que le cerveau ne retient rien du tout en lisant et en relisant, mais pour apprendre, cette "stratégie" est coûteuse en temps et en énergie pour une efficacité faible.
Pourtant, on trouve en ligne beaucoup de sites promouvant l'utilité des fiches de révision pour mémoriser. Souvent, ces sites s'appuient sur des neuromythes tels que les "profils d'apprentissage" (avec des propos tels que "avec une mémoire kinesthésique, lire et relire suffira à retenir", "les profils visuels apprennent mieux avec une fiche de révisions qui a des couleurs", etc.). Ces propos relèvent très souvent du monde parascolaire (vente de manuels de fiches de révisions, vente d'aide aux devoirs, vente d'aide en ligne, etc.) et de croyances autour de la mémorisation qui repose sur l'impression et l'intuition et non sur une connaissance solide du fonctionnement de la mémoire. D'autres sites, moins dans une démarche commerciale, s'appuient sur des idées anciennes (effectivement, longtemps, la fiche de révisions semblait être LE moyen incontournable d'apprendre, surtout dans les études supérieures, et ce paradigme peut faire croire, en toute sincérité, que l'outil est adapté).
MAIS ALORS, À QUOI SERT LA FICHE DE "RÉVISION" ?
Tout d'abord, il faudrait commencer pour renommer l'outil : ce n'est pas l'outil le plus efficace en termes de mémorisation. La fiche de "révision" a plusieurs utilités :
- Elle incarne, de manière concrète, une pensée structurée : organisée, hiérarchisée en plusieurs parties, elle propose une argumentation structurée qui répond aux exigences des différents exercices de rédaction en histoire-géographie dans le secondaire (le développement construit en cycle 4, la question argumentée en lycée général, ou encore la dissertation en enseignement de spécialité au lycée). Structurée en trois parties reprenant les étapes du raisonnement géographique, elle permet à l'élève de s'approprier ce raisonnement en le confrontant à ce cheminement de manière récurrente. Elle participe ainsi de la familiarisation des élèves au raisonnement géographique, c'est-à-dire à une pensée structurée et cohérente.
- Elle permet une première entrée dans les apprentissages : si elle ne facilite pas la mémorisation, elle permet aux élèves de découvrir les connaissances (en amont du chapitre pour un travail préparatoire ou pendant le chapitre en servant de support pour compléter les fiches de mémorisation et construire les traces écrites) et de vérifier sa compréhension des connaissances (pendant et après la séquence). Elle sert également, dans cette même perspective, de support-repère pour les accompagnants de l'élève dans son travail personnel hors la classe (famille, intervenant Devoirs faits, etc.).
=> Un "combo" idéal serait de multiplier les supports de compréhension (fiches de révision), de mémorisation (fiche de mémorisation active) et d'appropriation du langage (fiches de connaissances). Évidemment, c'est très chronophage (et cela suppose que les programmes ne changent pas trop souvent) !
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