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Ceci n'est pas une "carte" mentale: mauvais usage d'une traduction approximative et conséquences en terme de confusion pour les élèves sur la nature de document

 

"Mapping" en anglais est souvent confondu avec "cartography". Il est d'usage de le traduire par le seul fait de faire des cartes (en référence à "map", "la carte"), alors que "mapping" recouvre plus largement le fait de produire des productions graphiques (des cartes, mais aussi des schémas, des infographies, etc.). La mauvaise traduction pourrait être sans conséquence si  l'on n'assistait pas à une mode visant à parler de schémas de synthèse aidant à la mémorisation (que l'on devrait appeler "schémas heuristiques") comme de "cartes mentales" (pour traduire le "mind mapping" développé par l'anglais Tony Buzan dans les années 1970). Or, cette mode, tant dans le monde de l'édition que dans les sciences de l'éducation, pourrait elle aussi être innocente si elle n'amenait pas, pour les élèves, de grandes confusions dans la maîtrise d'une compétence attendue dès le cycle 3 en géographie : "Présenter un document".

 

Ainsi, les élèves, en cycle 3, sont amenés à savoir identifier les différentes natures des documents, et donc à savoir distinguer les schémas (qui sont des représentations qui visent à représenter les principaux éléments d'un concept ou d'un phénomène sans idée de localisation) des croquis et cartes (qui, eux, sont des représentations graphiques qui situent les éléments et les phénomènes dans l'espace). Globalement, l'élève doit percevoir et identifier la différence entre une représentation graphique qui situe dans l'espace (croquis, carte, plan, globe) et un dessin qui ne situe pas dans l'espace (schéma).

 

Ce qui est, à tort, nommé "carte mentale" est en réalité un schéma. Des flèches relient des idées, en les hiérarchisant entre elles. Ce schéma fait le bilan, la synthèse d'une idée, d'une notion, d'un cours : ce n'est rien d'autre qu'un schéma de synthèse (on trouve aussi l'usage de schéma-bilan ou de schéma fléché). Pour l'enseignant, c'est aussi une démarche pédagogique : ce schéma vise à la mémorisation de l'élève en facilitant la visualisation des connaissances. Dans une approche pédagogique, ce schéma est donc aussi un schéma heuristique (terme qui relève plus du discours enseignant abordant une démarche pédagogique que de la connaissance de la nature des documents par les élèves).

 

La carte mentale est tout autre chose : c'est la transcription cartographique de l'espace tel qu'un individu la perçoit (source : Géoconfluences, rubrique Glossaire, 2014). L'interrogé CARTOGRAPHIE l'espace tel qu'il l'a "dans la tête" (d'où l'adjectif "mentale"), c'est-à-dire tel qu'il s'en souvient, le perçoit, se le représente. Cette cartographie peut passer par le dessin, mais aussi par le placement d'objets sur une feuille (jeu de reconstruction spatiale). Dans tous les cas, il s'agit alors d'une carte puisque l'espace y est bien représenté, de manière subjective, par l'individu qui exprime ainsi son espace perçu. La carte mentale est à la fois un dispositif méthodologique utilisé dans la recherche (pour comprendre l'espace perçu des habitants d'un territoire, comme celui des adolescents par exemple), mais aussi un outil didactique intéressant (voir un exemple de proposition d'utilisation en classe).

 

Si l'on peut comprendre que de nombreux enseignants puissent utiliser cette traduction approximative de "mind mapping" (traduit comme s'il avait été question, dans la littérature anglophone de "mind cartography") parce qu'aucune compétence de leur enseignement en est affectée (en mathématiques, en français, en langues étrangères, etc.), ce n'est pas du tout le cas pour l'enseignant en géographie, et ce dès le cycle 3.

 

L'un des principes fondamentaux de l'enseignement est d'avoir un discours explicite et non ambigu, afin de faciliter la compréhension, qui est le premier moteur de l'apprentissage. Il semble, de fait, fondamental d'avoir un discours cohérent, en géographie, entre :

  • les termes employés par l'enseignant quand il présente ses activités (vous ferez le schéma de synthèse de...") comme ses traces écrites ("nous allons faire le schéma de synthèse de..."),
  • et l'identification des documents telle qu'attendue comme savoir-faire par les élèves.

Il est particulièrement difficile pour les élèves de comprendre que l'enseignant appelle "carte" ce qui ressemble à un schéma dans sa méthode pour savoir identifier les documents, et de fait ce mauvais usage peut entraîner des confusions pour l'élève. Autant appeler "un chat" "un chat", et ainsi aider l'élève à mieux comprendre la différence entre les schémas et les représentations graphiques (carte, croquis, plan, globe).

Ceci est une carte mentale : quelques exemples

Ceci n'est pas une carte mentale : c'est un schéma !

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