Réflexions préliminaires : feuille de route ou plan de travail ?
Par habitude, les enseignants parlent, indifféremment, de "plans de travail" pour différentes formes de documents de guidage des activités lors d'une séance ou d'une séquence. Par "habitude", car il s'agit avant tout de ne pas perdre les élèves dans un jargon qui n'est pas le leur, et ne leur éclaire pas la démarche. Pour les élèves, la différence entre feuille de route et plan de travail n'a pas de grand sens : dans les deux cas, il s'agit d'une modalité pédagogique particulière qui leur indique une manière de travailler en classe.
De la même façon que l'on ne se lance pas dans une explication sur la différence entre "pédagogie" et "didactique" auprès de nos élèves, il peut être utile de n'utiliser, auprès d'eux, qu'un seul terme, unique au sein d'une équipe éducative, pour désigner l'ensemble de ces documents de guidage.
Néanmoins, la distinction entre ces documents doit être faite lorsqu'il s'agit d'expliquer sa démarche enseignante. Les travaux de Sylvain Connac mettent au clair cette distinction :
- la feuille de route : c'est un document identique à tous les élèves, qui y retrouvent les mêmes activités, sans possibilité de choisir entre plusieurs parcours ;
- le plan de travail : c'est une matrice commune à tous les élèves, qui présente différents parcours, parmi lesquels les élèves vont effectuer des choix ;
- le contrat de travail : c'est un document qui présente des adaptations ciblées pour des élèves.
Autrement dit, il existe des formes différentes de document de guidage qui répondent à des objectifs d'enseignement différents, qu'il convient d'identifier avant de penser la forme du document.
- Dans la feuille de route, les activités sont présentées de manière linéaire, sans possibilité de choix des activités prescrites par les élèves (la majorité des "plans de travail" proposés en classe sont, en réalité, des feuilles de route). L'objectif est alors la motivation scolaire.
- Dans le contrat de travail, la matrice commune est adaptée (en partie du moins) à chaque élève : cela peut permettre la mise en place d'aménagements raisonnables pour les élèves à besoins éducatifs particuliers, mais aussi la mise en place de parcours différenciés s'adaptant au rythme des élèves et/ou à leur acquisition préalable des compétences requises pour l'activité en cours. L'objectif est alors l'adaptation aux besoins.
- Dans le plan de travail, les élèves sont confrontés à différents parcours au sein d'une matrice commune : ils sont amenés à choisir parmi plusieurs manières de travailler, c'est-à-dire qu'ils opèrent un choix entre différentes activités menant à l'acquisition des mêmes compétences. L'objectif est alors la responsabilisation de l'élève dans ses apprentissages.
Le choix entre une feuille de route ou un plan de travail repose donc non sur la forme de ces documents, mais sur les objectifs d'enseignement.
Une démarche progressive : de la feuille de route au plan de travail
Le choix entre une feuille de route ou un plan de travail repose donc non sur la forme de ces documents, mais sur les objectifs d'enseignement. Aussi, avant de penser l'outil, s'agit-il de se questionner sur les prérequis des élèves en termes d'autonomie et de compétences :
- Les élèves ont-ils déjà travaillé en feuilles de route ou plans de travail ?
- Quel investissement de ces outils dans leur scolarité ? (une démarche individuelle dans toutes les disciplines en primaire ? une démarche ponctuelle sur une discipline en primaire ou par un enseignant dans le secondaire ? une démarche collective de l'équipe enseignante dans le secondaire ?)
- Quelle maîtrise par les élèves des prérequis de la (des) compétence(s) travaillée(s) dans cette séance/séquence ? (une maîtrise globalement fragile ou suffisante ? travail sur une nouvelle compétence ?)
De plus, feuille de route et plan de travail ne s'opposent pas nécessairement : leur complémentarité au sein d'une même séquence peut même permettre de proposer une alternative à la personnalisation offerte par le contrat de travail (dont la mise en place est davantage chronophage et demande aux enseignants une constante réadaptation aux besoins des élèves).
La démarche proposée ici repose sur plusieurs objectifs :
- intégrer progressivement l'autonomie dans les apprentissages dans le temps de la classe sans "laisser de côté" des élèves qui ne comprendraient pas cette démarche (elle s'appuie en grande partie sur le fait que, dans le secondaire, les élèves doivent s'adapter à autant de démarches enseignantes qu'ils ont de disciplines, ce qui les obligent à "jongler" entre ces manières de faire) ;
- reposer sur l'explicitation des procédures d'apprentissage par la mise en place progressive de l'autonomie dans le travail personnel de l'élève dans le temps de la classe (ce qui peut être bénéfique au travail personnel de l'élève hors la classe, les élèves étant plus conscients des procédures à employer) ;
- éduquer progressivement les élèves au choix, sans leur imposer "brutalement" des choix de parcours : il s'agit pour les élèves d'expérimenter plusieurs manières de faire afin de choisir celle qui peut leur convenir à un instant T, sans qu'ils ne se "cataloguent" par eux-mêmes dans un parcours ("je prends le parcours des "nuls", parce que je ne me crois pas capable de réussir" ; "je prends le parcours très autonome parce que je surestime ma capacité d'autonomie"), sans qu'ils ne s'enferment dans une zone de confort ("je prends le parcours "facile" parce que je suis sûr(e) de réussir dans ce parcours, je ne risque pas l'échec") ou pour des raisons qui n'ont aucun rapport avec leurs apprentissages ("je prends le parcours X parce que mon copain le prend").
Enfin, la démarche s'appuie sur une progressivité qui s'étale dans le temps de l'année scolaire :
- première étape : une découverte guidée de la feuille de route,
- deuxième étape : une découverte autonome de la feuille de route,
- troisième étape : une découverte autonome du plan de travail,
- autres séquences : un choix par atelier entre feuille de route par séance (atelier 1), feuille de route pour la séquence (atelier 2) et plan de travail pour la séquence (atelier 3).
Première étape : découverte guidée de la feuille de route
La première séquence (par exemple, "Introduction à la mondialisation" en classe de 4e) de l'année scolaire permet une découverte guidée de la feuille de route. Celle-ci propose un découpage par séance (et même, dans l'exemple ci-dessous un sous-découpage en deux temps dans la séance). Pour cette découverte, les temps "a" sont effectués collectivement avec l'enseignante (ex : séance n°1a, séance n°2a), puis les temps "b" sont effectués par les élèves en autonomie (ex : séance n°1b, séance n°2b). Progressivement, les élèves réalisent toute la séance en autonomie en suivant la feuille de route (ex : séance n°3, séance n°4).
Cette séquence présuppose une organisation de la salle de classe et du matériel disponible :
- Les élèves disposent de la feuille de route pour la totalité de la séquence, qui est présentée de sorte à ce que les séances apparaissent : ainsi, les élèves se repèrent dans le temps "ordinaire" du découpage scolaire en séances.
- Les élèves disposent de tous les documents de travail de la séquence dans une pochette. Ces documents sont donnés aux élèves dans l'ordre de leur utilisation dans la séquence.
- Dans la salle de classe, les élèves disposent d'une table d'aide sur laquelle ils trouvent :
-
- les documents à étudier (sous format de photocopies ou de manuels),
- un lexique de géographie (en format papier, classé par ordre alphabétique, pour permettre aux élèves de retrouver le vocabulaire et les notions de géographie),
- des fiches connaissances qui reviennent sur les prérequis nécessaires à la compréhension de la séance (ex : pour "Introduction à la mondialisation" en 4e, les fiches connaissances sur le chapitre "La répartition de la richesse et de la pauvreté dans le monde" de 5e),
- les corrections des fiches d'activités.
Afin de "rassurer" les élèves, les fiches mémorisation sont complétées en collectif. Cette étape, lorsqu'elle est réalisée en autonomie, peut être source d'anxiété pour les élèves soucieux de ne pas "écrire des choses fausses dans le cahier". Dans la mesure où il s'agit d'intégrer progressivement l'autonomie dans l'ensemble des étapes de la séquence, cette étape est, pour cette première séquence, guidée de manière "classique" par une reprise en classe entière.
Cette première séquence doit être présentée comme une découverte de la feuille de route, qui est introduite sans être totalement "déployée" puisque de nombreux temps sont faits en classe entière pour expliciter la procédure.
DEUX EXEMPLES AVEC LES PREMIERS CHAPITRES DE GÉOGRAPHIE EN CLASSE DE 4e :
Le premier exemple concerne le chapitre "Introduction à la mondialisation" (voir la progression proposée en classe de 4e) et le second exemple présenté ici concerne le chapitre "Les villes dans la mondialisation" (fusionnant ici les deux sous-thèmes du thème 1 en classe de 4e). Les deux exemples montrent un guidage fort par la feuille de route, qui permet de faire découvrir en douceur le fonctionnement aux élèves. Il n'y a pas de "parcours", le choix étant introduit plus tard dans l'année.
Deuxième étape : Une découverte autonome de la feuille de route
La deuxième séquence permet aux élèves, après une première découverte du fonctionnement de la feuille de route, de l'expérimenter en autonomie. Le découpage proposé n'est plus en séance, mais en séquence. Il est annoncé aux élèves le temps dont ils disposent globalement pour effectuer la totalité de la feuille de route. Néanmoins, il est préférable de proposer deux formats aux élèves :
- une feuille de route dont le découpage repose sur la séquence,
- une feuille de route qui propose un guidage avec un découpage en séances au sein de la séquence.
Pendant toute la séquence, la totalité du matériel doit être à disposition des élèves :
- Les élèves disposent de la feuille de route pour toute la séquence.
- Les élèves disposent du corpus de fiches (objectifs, vocabulaire, activités, mémorisation) qui sont fournies dans l'ordre de leur utilisation dans la séquence.
- Sur la table d'aide dans la salle de classe, les élèves trouvent :
-
- les documents à étudier (photocopies ou manuels),
- le lexique de géographie,
- le classeur de fiches méthodes (constitué de toutes les méthodes à utiliser en géographie dans leur cursus - primaire, collège ou lycée),
- le classeur de fiches connaissances des années précédentes (constitué de tous les chapitres précédemment vus),
- les fiches d'aides (qui apportent un "coup de pouce" aux élèves, c'est-à-dire qui proposent un étayage leur permettant de comprendre la procédure à employer pour réaliser la question ou l'activité).
- Au tableau ou sur un mur, sont affichées, en format A3 :
-
- les corrections des fiches d'activités,
- les corrections des fiches mémorisation.
Les corrections (fiches d'activités et fiches mémorisation) ne sont pas laissées à disposition des élèves sur la table d'aide. Il ne s'agit pas de documents que les élèves peuvent déplacer et ramener à leur table. Ce sont, au contraire, des documents "fixes" dans la salle de classe. Ainsi, les élèves se déplacent pour consulter ces corrections, doivent les observer, doivent les comprendre, doivent en retenir la logique, avant de retourner compléter ou corriger leurs propres fiches. Ils peuvent revenir consulter les corrections autant de fois qu'ils le souhaitent, mais sans les avoir en main, pour éviter qu'ils ne les recopient sans les comprendre. Proposée par le groupe recherche-action "Différenciation en mathématiques" de l'I.R.E.M. de l'Université de Grenoble (Institut de recherche sur l'enseignement des mathématiques), cette organisation de l'autocorrection vise à permettre aux élèves de conscientiser les procédures (correction des fiches d'activités) et les connaissances (correction des fiches mémorisation) à acquérir dès le temps de la classe.
UN DISPOSITIF ESSENTIEL : LA TABLE D'AIDE
La table d'aide est l'un des dispositifs les plus importants pour le fonctionnement de la feuille de route (tout comme pour le plan de travail). Deux types de fiches y sont indispensables pour le bon fonctionnement du travail en autonomie :
- les fiches méthode : permettant aux élèves de se remémorer les procédures auxquelles ils peuvent recourir et leur démarche ;
- les fiches d'aide : celles-ci accompagnent chaque fiche d'activités (et doivent donc être numérotées et/ou titrées de manière explicite afin que les élèves les associent à l'activité sur laquelle ils ont besoin d'un "coup de pouce") pour lesquelles elles proposent un étayage qui permet à l'élève de se questionner pour trouver, par lui-même, les réponses à apporter ou les stratégies à adopter dans les activités.
On peut y ajouter des compléments, en fonction du matériel dont on dispose :
- des fiches d'aide : proposant aux élèves un étayage qui guide leur questionnement sans "mâcher" la réponse (par exemple, en posant une série de questions qui guident l'élève vers la stratégie à adopter plutôt que de lui donner "de but en blanc" cette stratégie) ;
- des lexiques disciplinaires et des dictionnaires : permettant aux élèves de vérifier le vocabulaire nécessaire pour comprendre l'activité ;
- des livrets de conjugaison et de grammaire : pour permettre aux élèves de vérifier la rédaction de leurs réponses en autonomie ;
- du matériel : des stylos, des crayons de couleur, des règles, des gommes, des tailles crayons, etc., pour permettre aux élèves d'avancer dans les activités sans se focaliser sur des problèmes matériels.
Sur la table d'aide, l'étayage doit être prévu en amont. Il doit pouvoir répondre à des questions d'ordre pratique (où trouver tel document ?), procédural (quelle méthode employer ?) et en termes de connaissances (quels prérequis me servent à comprendre l'activité ?). L'objectif n'est pas de proposer des supports où l'élève trouve la réponse sans réfléchir, mais bien de lui proposer un étayage, c'est-à-dire des outils avec lesquels il est amené à se questionner pour trouver par lui-même les réponses qui l'aideront dans son activité. L'un des écueils serait de rédiger une fiche d'aide qui donne un accès évident aux réponses : mieux vaut rédiger des questions qui amènent l'élève à se questionner, en guidant son regard (par exemple, au lieu d'écrire dans une fiche d'aide "tu trouveras la réponse dans la première partie de la légende", il est plus utile de questionner l'élève sur la stratégie à adopter pour trouver sa réponse : "quelle partie de ce document te permet d'en comprendre le sens ?", "pour lire ce type de document, tu dois en trouver la "clef" : dans quelle partie de ce document trouves-tu ce qui te permet de comprendre les figurés ?", etc.).
UN SECOND DISPOSITIF COMPLÉMENTAIRE : LA TABLE D'APPUI
Enfin, le dispositif peut être complété d'un espace dédié à l'aide personnalisée dans la salle de classe : il s'agit d'une table d'appui (au sens proposé par Alexia Forget - voir une vidéo de présentation par le Canotech ci-dessous)), où les élèves viennent pour chercher une aide orale auprès de leur professeur, après avoir recherché des solutions par eux-mêmes (à partir des outils de la table d'aide, et tout particulièrement les fiches d'aide et les fiches méthode). C'est aussi un lieu où l'aide par la coopération entre pairs peut être mise en place.
"Dans le dispositif de la « table d’appui » par lequel les enseignants matérialisent, dans la classe, un espace (table spécifique) d’aide, ils amènent les élèves à expliciter à voix haute leurs démarches pour les analyser. Les élèves peuvent ainsi les mesurer à celles des autres et en mesurer la pertinence ou l’efficacité au vu des objectifs d’apprentissage." (FORGET, Alexia, 2017, Différenciation pédagogique. Comment adapter l'enseignement pour la réussite de tous les élèves, rapport du CNESCO, mars 2017, p. 15).
La table d'appui n'est pas une seconde table d'aide : l'élève n'y trouve pas des outils, mais de l'aide humaine, soit par son professeur qui y propose de la remédiation, soit par un échange entre pairs guidé par l'enseignant. Ce lieu au sein de la salle de classe doit être fortement identifié comme un espace-temps où l'enseignant procède à des entretiens d'explicitation (au sens de Pierre Vermersch) pour aider les élèves à comprendre par eux-mêmes les stratégies à employer pour l'activité en cours (voir des ressources ci-dessous).
Pour que la table d'appui ne soit pas une solution de facilité pour les élèves qui viendraient y chercher des réponses "clefs-en-main", plusieurs règles doivent être instaurées :
- la table d'appui n'est accessible qu'après avoir utilisé les outils de la table d'aide (il s'agit d'éviter aux élèves de passer de la question à l'aide, sans temps de réflexion personnelle) ;
- la table d'appui est accessible seulement en ayant formulé au préalable une question précise (il ne s'agit pas, pour les élèves, de vouloir la réponse à une question, mais de formuler ainsi ce qu'ils comprennent et ce qui les bloquent, ce qui les poussent à identifier le point de blocage, qui sera le point de départ de la remédiation) ;
- la table d'appui n'est pas un lieu de correction des activités ou de résolution des activités : il s'agit d'un espace-temps ouvert aux élèves pour leur offrir des médiations langagières, c'est-à-dire une série de questionnements qui permet aux élèves de trouver eux-mêmes les connaissances, les mécanismes et les stratégies à mobiliser pour résoudre leur blocage ;
- la table d'appui est un espace-temps éphémère, dans le sens où l'élève ne peut y passer qu'un temps limité, celui de l'explicitation, avant de retourner à sa table pour poursuivre l'activité en cours.
Il est important de mettre en scène (notamment par des affichages et des "règles d'utilisation") chacun de ces deux dispositifs (table d'aide et table d'appui) pour que leur rôle soit bien identifié par les élèves. Il est possible de ne les mettre en place que progressivement au cours de l'année, pour éviter les confusions et la surcharge d'informations, qui amèneraient les élèves à ne pas s'emparer de ces dispositifs.
UN TROISIÈME DISPOSITIF : LE COIN D'AUTO-CORRECTION
La feuille de route et le plan de travail imposent aussi d'avoir préparé, en amont, des fiches d'auto-correction pour les activités menées en autonomie par les élèves. Le risque est assez grand que les élèves s'emparent très rapidement (voire immédiatement) de ces documents pour ne pas réfléchir aux activités et recopier simplement une correction, ce qui sera totalement inutile en termes d'apprentissages.
Créer un coin d'auto-correction peut être optimisé dès lors que cette auto-correction est disponible sans pouvoir être copiée sans réfléchir. Il s'agit alors de ne pas permettre aux élèves de ramener à leur propre table les fiches d'auto-correction, ni de leur permettre de pouvoir les recopier là où elles sont disposées.
Ainsi, sur une idée qui m'a été présentée par Stéphanie Dewyspelaere (enseignante en mathématiques dans l'académie de Grenoble) au sein du groupe de travail académique "Travail personnel de l'élève" de l'académie de Grenoble, les fiches d'auto-correction sont aimantées sur le tableau (ou dans un autre espace de la salle de classe assez accessible à tous les élèves lorsqu'ils se déplacent et permettant à plusieurs élèves une consultation collective). Les élèves sont libres de se rendre devant les fiches d'auto-correction (imprimées en format A3 pour plus de lisibilité), mais ne peuvent y amener aucun matériel (ni cahier, ni crayon, ni feuille, ni tablette numérique, etc.). S'ils sont libres de consulter ces fiches autant de fois que nécessaires, les élèves se rendent très vite compte qu'il est très peu optimal, pour avancer dans leur travail, de venir y mémoriser des réponses pour lesquelles ils n'ont pas réfléchi. Ils s'approprient très rapidement le principe : pour se servir des fiches d'auto-correction, ils doivent comprendre la correction qui leur est proposée, ce qui suppose à la fois d'avoir réfléchi en amont à l'activité et d'avoir déjà proposé sa propre réponse (qu'ils viennent donc comparer) et de comprendre la fiche d'auto-correction lorsqu'ils la consultent (plutôt que de la recopier mécaniquement).
TROISIÈME étape : DÉCOUVERTE DU PLAN DE TRAVAIL
En reprenant le dispositif introduit lors de la deuxième séance (table d'aide et table d'appui), cette troisième séquence permet d'introduire le plan de travail, c'est-à-dire un document de guidage dans la séquence qui laisse aux élèves la responsabilité de faire des choix. Une trame commune est proposée (activités obligatoires), mais des parcours différenciés sont proposés. Ces derniers peuvent prendre différentes formes :
- une différenciation du rythme : en proposant des activités facultatives, le professeur joue sur le rythme et les degrés d'engagement des élèves dans la séquence ;
- une différenciation de l'étayage par des parcours différents : en proposant, pour une même activité, plusieurs parcours, le professeur jour sur les différents degrés de maîtrise des compétences et des prérequis à l'activité. Ainsi, pour une même activité, les élèves choisissent entrent plusieurs modalités qui varient en fonction de leur autonomie face à la compétence travaillée (par exemple, en proposant trois parcours : une modalité très guidante, une modalité étayée, une modalité en totale autonomie).
Néanmoins, il est nécessaire d'être vigilants à ne pas amener, par ce dispositif, à des niveaux différents d'acquisition des connaissances et des méthodes, en ne donnant pas aux élèves le même niveau d'exigence au sein du plan de travail. Autrement dit, il ne faut pas que les choix proposés amènent les élèves à des niveaux de maîtrise des connaissances ou des compétences différents. Au contraire, la différenciation pédagogique apportée par le plan de travail doit permettre à tous les élèves d'acquérir la (ou les) compétence(s) travaillée(s) tout en se confrontant à un apprentissage qui les sort de leur "zone de confort", c'est-à-dire qui les poussent à être le plus autonomes possible face à la (aux) compétence(s). C'est l'une des difficultés dans l'établissement du plan de travail : il ne s'agit pas d'amener, indirectement et involontairement, les élèves à se cataloguer en termes de "performances". La seconde difficulté est d'arriver à proposer des cheminements qui n'amènent pas les élèves à des niveaux de maîtrise des connaissances différents en fonction de leur niveau de maîtrise des compétences.
Plusieurs modalités pédagogiques peuvent ainsi accompagner le plan de travail et ainsi participer de l'éducation au choix. Parmi elles, l'évaluation diagnostic permet aux élèves de se situer (en termes de connaissances et/ou de méthodes pré-requises) afin de déterminer leur parcours dans le plan de travail. Cela peut être chronophage, ces évaluations peuvent donc être menées en amont de la séquence et doivent permettre à l'élève de disposer d'un feed-back immédiat pour se situer dans les parcours proposés.
Le plan de travail est souvent mis en place pour faciliter la différenciation des niveaux de difficulté, mais il ne s'agit pas de la seule application. Il peut aussi permettre de proposer aux élèves de renforcer des compétences différentes, notamment dans le cadre d'une évaluation par compétences. Par exemple, il peut s'agir de proposer, pour un même chapitre, aux élèves de consolider différentes méthodes (ex : parcours 1 : prélever des informations dans un document / parcours 2 : réaliser un croquis de paysage / parcours 3 : rédiger un développement construit). À ce propos, les ceintures de compétences proposées par Alexandre Balet (La classe d'histoire) proposent des grilles très opératoires, découpées en 6 niveaux de maîtrise associés à des critères de réussite, pour accompagner et évaluer les élèves dans le cadre de parcours différenciant les compétences travaillées.
Dernière étape : La mise à disposition de feuilles de route et plans de travail au choix
Après avoir fait découvrir ces différentes modalités pédagogiques, il est possible, plus tard dans l'année scolaire, de laisser le choix aux élèves entre feuilles de route et plans de travail. Cette possibilité a pour objectif de favoriser l'engagement des élèves dans leur travail personnel en classe, en leur permettant d'accéder à la manière de travailler qui leur convient le mieux (notamment au niveau affectif, qui participe fortement du bien-être de l'élève face aux apprentissages, et donc de sa motivation et de son engagement scolaires).
Néanmoins, une telle disposition présuppose :
- d'avoir pris le temps de faire découvrir les élèves l'ensemble des outils qui sont mis à leur disposition,
- d'avoir les différentes manières de travailler qui leur sont proposées (feuille de route / plan de travail),
- pour l'enseignant, une préparation en amont assez chronophage.
Quelques CONTRAINTES D'UN TEL DISPOSITIF
La première contrainte est liée au temps nécessaire à la conception de cette démarche. En amont, la préparation est assez longue, car il faut prévoir tous les étayages dont pourraient avoir besoin les élèves. Néanmoins, une grande partie des étayages est similaire d'une séance à l'autre, d'une séquence à l'autre (ex : le lexique, les fiches méthodes). D'autres, plus ponctuels, seraient utiles (voire nécessaires) quelque soit la modalité pédagogique mise en oeuvre et donc n'ajoute pas nécessairement de travail. Il s'agit avant tout d'avoir une grande organisation pour les premières mises en oeuvre. Le déploiement des outils peut également être progressif : l'ensemble des outils de la table d'aide, par exemple, n'est pas nécessaire pour pouvoir la mettre en place et peut être complété progressivement. Ainsi, cette contrainte est temporaire, puisqu'elle est liée à la première mise en place du dispositif, qui ne demande plus un tel investissement pour les prochaines années (c'est évidemment bien plus chronophage lors des changements de programmes, et, bien plus encore, pour les enseignants dont les niveaux d'enseignement varient tous les ans).
La seconde contrainte est matérielle : disposer d'une salle fixe (éventuellement non partagée pour ne pas gêner d'autres collègues avec du matériel disposé dans la salle) est un élément réellement facilitateur offre un très grand confort pour la mise en place de ce dispositif, et réduit notablement la charge mentale liée à la réorganisation de la salle de classe lors d'un partage de salle, et plus encore lors d'un changement de salle (qui implique, en sus, pour le professeur, de penser à amener tout le matériel nécessaire). Les enseignants dotés d'un matériel numérique permanent dans la salle de classe (ex : deux ordinateurs pour les élèves dans la salle de classe, ou, plus encore, des élèves dotés d'ordinateurs portables ou de tablettes numériques individuels) peuvent fortement faciliter cette organisation avec le recours à des murs virtuels où ils peuvent déposer tous les documents nécessaires au déroulement de la séquence. La taille de la salle de classe peut être un atout pour disposer le matériel d'étayage, mais les murs peuvent pallier à un éventuel manque de place en disposant le matériel à des crochets ou en l'aimantant sur des tableaux ou des panneaux, par exemple.
Dernière contrainte : l'appropriation par les élèves de la démarche demande un investissement long. Présenter l'ensemble des outils aux élèves peut les perdre et ne pas leur permettre de s'approprier l'ensemble des outils. Il faut accepter de mettre en place progressivement l'ensemble des outils (par exemple, en premier lieu le coin d'auto-correction, puis la table d'aide, et enfin la table d'appui), selon une progressivité qui variera en fonction de l'âge des élèves (mais aussi de leur éventuelle précédente expérience du plan de travail ou de la feuille de route). La disposition de la salle de classe peut être un élément facilitateur (par exemple avec des panneaux qui identifient les coins dans la salle et leur fonction). Il peut être facilitateur pour les élèves de modifier le moins possible la disposition spatiale, en maintenant les coins au même endroit.
=> L'ensemble demande une grande préparation en amont. Ces dispositifs ne s'improvisent pas. Rien d'impossible ou d'insurmontable, mais la préparation est tout de même la clef de la réussite d'une telle modalité pédagogique. De plus, une fois mis en place, ils ne demandent plus une telle préparation.
Les atouts d'un tel dispositif
Si la mise en place demande un temps de réflexion et de conception certain, elle favorise aussi les apprentissages des élèves en favorisant l'autonomie des élèves et en favorisant la différenciation des rythmes d'apprentissages. Ce dispositif permet alors l'amélioration de la motivation et de l'engagement scolaires, ce qui permet aux élèves d'avoir des apprentissages plus durables et donc de persévérer davantage.
Le respect des rythmes d'apprentissages évite pour certains élèves l'attente et l'ennui, et pour d'autres élèves de n'avoir pas assez de temps pour s'approprier les activités. De plus, l'accès en autonomie à des ressources facilitantes pour parvenir à réussir les activités permet aux élèves de développer un sentiment de compétence (les élèves perçoivent, par les outils d'étayage et les entretiens d'explicitation qu'ils possèdent les compétences nécessaires pour réussir ce qui leur est demandé).
Le respect des rythmes d'apprentissages favorise également le sentiment d'autonomie, parce que les élèves ne perçoivent pas la pression externe du temps disponible pour telle activité, mais se sentent à l'origine de leur progression dans les activités proposées. Les déplacements en autonomie vers les différents coins de la salle de classe où sont réparties les étayages (table d'aide, coin d'auto-correction et table d'appui) renforcent également le sentiment d'appartenance : les élèves se sentent inclus dans un groupe où ils peuvent progresser, quelque soit leur niveau et leurs difficultés.
Les étayages disponibles sur la table d'aide permettent aux élèves de se confronter à des questionnements qui les guident sans leur "mâcher" la réponse, ce qui les confronte à leur capacité à réussir. Cela permet aussi à l'enseignant de se libérer beaucoup de temps et d'énergie pour se rendre disponible sur des blocages plus profonds qui demandent une remédiation (table d'appui).
=> En définitive, le dispositif permet une meilleure efficacité des élèves dans leur travail personnel en classe, ce qui favorise leur motivation, leur engagement et leur persévérance face aux efforts à fournir. De plus, les élèves sont moins dans l'attente d'une réponse de leur enseignant, puisqu'ils doivent avant tout trouver par eux-mêmes, parmi les aides disponibles, les stratégies à adopter et être acteurs de leur propre remédiation. Pour l'enseignant, il s'agit aussi de se consacrer davantage à la remédiation de blocages, malentendus cognitifs ou incompréhensions plus profonds, plutôt qu'à la gestion des "petites" questions (ex : "il est où le document ?", "je dois écrire en rouge", etc.).
Comme toute modalité pédagogique, il ne s'agit pas de "la" solution. Il ne s'agit pas non plus nécessairement d'envisager tous les cours, tous les chapitres sous ce format. Mais ce dispositif offre un possible, qui peut correspondre à des intentions pédagogiques précises dans certaines séquences dans l'année scolaire. Néanmoins, les outils proposés pour l'étayage (table d'appui, coin d'auto-correction, table d'aide) restent des modalités qui semblent utiles dans bien d'autres modalités pédagogiques, en favorisant les sentiments de compétence et d'autonomie, deux des "ingrédients" de la motivation et de l'engagement scolaires (pour reprendre l'expression de l'infographie du Réseau Réussite Montréal - voir ci-dessous).
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raphaelle (mardi, 22 août 2023 19:58)
Merci beaucoup pour cet article très clair et complet !