Il est communément admis qu'il faut mettre en place des aménagements raisonnables pour les élèves à besoins éducatifs particuliers (E.B.E.P.). Néanmoins, ce principe se heurte à plusieurs réalités concrètes :
- le manque de formations et d'outils concrètes pour adapter les cours, les exercices, les notions (plus encore à mesure que l'élève progresse dans sa scolarité, et plus encore dans les disciplines qui ne font pas partie du duo français/mathématiques),
- la difficulté de mettre en place des outils personnalisés tenant compte de réalités bien différentes d'un élèves à l'autre, y compris pour le même diagnostique,
- le manque de moyens matériels (y compris pour les moyens les plus "basiques" tels que l'accès à la couleur pour les photocopies).
Les enseignants mettent en place de très nombreuses adaptations, depuis les polices et les tailles d'écriture de leurs documents jusqu'à la mise en place d'emplois du temps personnalisés. Néanmoins, une difficulté reste : comment adapter le contenu, et pas seulement le contenant ? Pour des élèves pour lesquels les troubles gênent l'accès à la compréhension, les connaissances en géographie peuvent devenir, au fur et à mesure de la scolarité, plus obscures.
Sans prétendre résoudre la question, car force est de constater que les besoins éducatifs particuliers sont réellement à personnaliser pour être efficaces, voici un exemple de ce qui peut être pensé à partir des univers imaginaires.
A. est un élève de 6e, souffrant de dysphasie et qui a connu une période longue de déscolarisation. Les problématiques se multiplient car, sur le territoire (comme dans de nombreux autres !), A. est aussi sur liste d'attente pour le suivi médical extérieur. Évidemment, les adaptations des enseignants seront d'autant plus efficaces que les élèves auront accès à ce suivi, mais force est de constater que les places y sont rares et que les coûts et le poids des démarches sont autant de freins pour les familles. Chacun fait du mieux qu'il peut, mais il faut tout de même, pour les enseignants, adapter dans des conditions souvent très loin de la théorie.
A. est passionné de l'univers du jeu vidéo Zelda, pour lequel il aime expliquer l'ensemble des aventures, des relations entre les personnages, de la chronologie entre les jeux. C'est ce point d'appui qui a été choisi pour fabriquer des fiches adaptées en géographie pour A. Il s'agit alors, pour l'enseignant, de se demander ce qu'il veut transmettre : des connaissances factuelles ou des savoir-faire qui passent tout autant par des méthodes (ex : décrire un document en classe de 6e) et une compréhension du raisonnement géographique (où ? pourquoi ici et pas ailleurs ? quelles conséquences ?) telle qu'elle permet de comprendre les enjeux du monde actuel.
Voici les premières fiches adaptées données à A. lors d'un atelier d'accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers (E.B.E.P.), lui permettant d'acquérir le vocabulaire de la géographie et d'accéder à certains savoir-faire (localiser, décrire) par-delà sa dysphasie, autour de l'univers de Zelda.
Ces fiches ont été pensées afin de répondre à plusieurs enjeux éducatifs :
- travailler l'accès au vocabulaire d'A., sans qu'il soit en situation de souffrance face à sa dysphasie, en mobilisant l'univers qu'il affectionne ;
- travailler des compétences attendues en classe de 6e (situer, décrire) et des notions (paysages et densité seront travaillés à la suite de ces fiches, dans un autre atelier d'accompagnement personnalisé) sans que son trouble ne l'empêche d'accéder à ses compétences, en lui permettant de contourner sa difficulté pour parvenir à être en situation de réussite ;
- faire des liens interdisciplinaires (les fiches d'exercices sont par la suite réinvesties en français, autour de la conjugaison et du vocabulaire).
Il ne s'agit nullement de "modèles". D'une part, parce que ces fiches s'appuient sur les besoins d'un élève spécifique, en fonction de son trouble mais aussi et surtout de ses centres d'intérêt. D'autre part, parce qu'aucune adaptation n'est réellement transférable d'un élève à l'autre sans modification, sans prise en compte de l'élève, de l'enseignant, du contexte. Néanmoins, cet exemple tend à proposer un exemple concret d'aménagements raisonnables en géographie.
Quelques sites-ressources :
Cette liste ne prétend nullement à l'exhaustivité, la géographie de l'imaginaire est très richement analysée. Elle permettra tout de même de retrouver quelques ressources utiles en accès libre, qui permettront d'adapter aux univers des élèves :
- blog (E)space & fiction
- article "De Springfield à Gotham City, panorama des villes de fiction" (Libé des géographes, 1er octobre 2015)
- blog Les lignes du monde. Géographie & littérature(s)
- émission de radio "De Peter Pan à Tintin : géographie des pays imaginaires" (Planète Terre, France Culture, 3 août 2016)
- article "Bande dessinée et cartographie : une imbrication créative" (Vincent Veschambre, Mappemonde, 2017)
- compte-rendu "Représenter l'espace urbain dans la bande dessinée" (Aymeric Landot et Bénédicte Tratnjek, Cafés géographiques, 28 janvier 2014)
- article "La toponymie dans la bande dessinée : quelques pistes de réflexion" (Bénédicte Tratnjek, Sciences dessinées, 26 novembre 2014)
- article "« S’il vous plaît… dessine-moi (…) » La géodiversité dans la bande dessinée, quelques repères de la case au récit" (Claire Portal, Géomorphologie, 2019)
- compte-rendu "Géographie des jeux vidéo" (Hovig Ter Minassian et Samuel Rufat, Cafés géographiques, 13 décembre 2011)
- article "Et si les jeux vidéo servaient à comprendre la géographie ?" (Hovig Ter Minassian et Samuel Rufat, Cybergéo, 2008)
- article "Le jeu vidéo, un terrain dur pour les géographes" (Globe, blog associé à l'ancienne émission Planète Terre de France Culture, 2012)
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