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La liberté d'expression : quelques éléments pour une approche géographique

À la suite de l'assassinat de Samuel Paty, enseignant en histoire-géographie-E.M.C., menacé pour un cours sur la liberté d'expression, il est difficile de sortir de la sidération et maladroit d'écrire ces quelques lignes. Néanmoins, les enseignants vont collectivement devoir faire face à des explications à fournir à leurs élèves, et la sidération ne suffira pas. Voici donc quelques éléments, en vrac car les idées ne sont pas encore claires à la suite de ce drame, sur la manière d'appréhender la liberté d'expression par une approche géographique, telle qu'elle peut amener les élèves à comprendre que cette liberté est fragile, n'est pas acquise partout dans le monde et en tous temps.


La liberté d'expression dans le monde

Pour comparer la liberté d'expression dans le monde, d'un État à l'autre, plusieurs indices ont été créés (et sont parfois concurrentiels, voire critiques les uns envers les autres). On retrouve parmi eux :

  • le rapport annuel sur la liberté de la presse présenté par Reporters sans frontières,
  • le classement mondial de la liberté d'expression sur Internet par l'ONG Freedom House,
  • l'indice Libertex proposé par la fondation Polémia et soutenu par l'Observatoire du journalisme.

Avant d'appréhender chacun des résultats proposés par ces différentes mesures, il est nécessaire d'en regarder les critères retenus et les méthodologies (en lien dans les boutons ci-dessous). Tout chiffre se fabrique, en fonction de critères retenus et de méthodologies de l'enquête, il est donc important d'en prendre conscience avant de choisir quel(s) indice(s) présenter aux élèves.

 

Par-delà les événements récents, cette réflexion s'intègre bien dans les programmes de géographie de CM2 (thème 2 : "Communiquer d'un bout du monde à l'autre grâce à Internet"), de géographie en Seconde professionnelle (thème 1 : "Des réseaux de production et d'échanges mondialisés") et d'HGGSP (enseignement de spécialité histoire géographie géopolitique science politique) en Première générale ("S'informer : un regard critique sur les sources et modes de communication"). Les liens avec l'E.M.C. peuvent alors renforcer la finalité civique de l'enseignement de la géographie.

 

Classement mondial de la liberté de la presse en 2020, Reporters sans frontières, en ligne : https://rsf.org/fr/classement
Classement mondial de la liberté de la presse en 2020, Reporters sans frontières, en ligne : https://rsf.org/fr/classement

Les lieux de la liberté d'expression

L'échelle mondiale par le prisme des situations des États n'est pas suffisante pour comprendre, par l'approche géographique, ce que recouvre la liberté d'expression. Il est ainsi nécessaire de présenter les lieux dans lesquels elle s'exprime. Des liens peuvent être faits avec la diffusion spatiale progressive des lieux de la liberté d'expression en France depuis le XVIIIe siècle (les salons du XVIIIe siècle, l'émergence d'une presse libre et multiple, les espaces de manifestation, l'émergence de locaux pour les syndicats, etc. au XIXe siècle).

 

De plus, les modalités de la liberté d'expression diffèrent selon le type d'espaces dans laquelle on l'exprime :

  • la liberté d'expression est totale dans les espaces domestiques qui relèvent du privé, de l'intime ;
  • la liberté d'expression est limitée par le respect de la loi dans les espaces publics (ex : interdiction de diffamation, interdiction d'appel à la haine, interdiction d'apologie de la violence) ;
  • la liberté d'expression est limitée par le respect de la loi et les règles de la laïcité dans des espaces de l'État (ex : l'école, la mairie, etc.) où je n'ai pas le droit de faire du prosélytisme (alors que c'est autorisé, par exemple, dans les espaces publics).

La liberté d'expression n'est donc pas uniforme en tous lieux, y compris à l'échelle d'un même État. Elle doit composer avec le type d'espaces pratiqués. Un gradient de liberté d'expression s'applique donc de l'espace domestique (la maison, l'appartement) aux espaces de l'État.

 

Le cas d'Internet est souvent trompeur pour les élèves, qui l'associent au lieu où est pratiqué Internet (souvent un espace domestique), au lieu de l'associer au lieu où sont diffusées les contenus partagés sur Internet (ce qui fait d'Internet un espace public). Il s'agit aussi d'un espace public mondialisé : les lois qui sont appliquées sont celles de l'État d'hébergement, et non de l'État où il est utilisé. C'est ainsi qu'une grande partie des réseaux sociaux appliquent des lois étatsuniennes en termes de liberté d'expression, même lorsque les utilisateurs et les échanges se font en France. Cela pose de nombreux problèmes de diffusion de contenus interdits par la loi française (ex : apologie du terrorisme, incitation à la haine et à la xénophobie, etc.).

 

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