Changement global ou changements globaux ? Un lexique pas si neutre !

 

Les programmes scolaires (tout particulièrement le programme de 5e avant ses modifications de juillet 2020 et celui de seconde générale et technologique) prêtent à faire réfléchir les élèves sur les spatialités du "changement global" (utilisé au singulier dans le programme de 5e de 2016 avant la modification de juillet 2020 et dans la fiche Éduscol du thème 1 du programme de seconde générale et technologique).

 

Pourtant l'emploi du singulier pose question. Ainsi, le glossaire de Géoconfluences précise que le changement global intègre toutes les modifications durables et massives des conditions climatiques liées aux activités humaines. Il intègre donc à la fois le changement climatique, la déforestation massive, l'urbanisation généralisée, etc.

 

"Le changement global est la traduction de l'anglais global change désignant le changement des conditions climatiques dans l'atmosphère terrestre liées aux activités humaines. Il est, à l'origine, une alternative à l'expression réchauffement climatique ou réchauffement global (global warming) permettant de rappeler que s'il y a certes augmentation de la température moyenne de l'atmosphère à l'échelle mondiale, cela n'exclut pas une diminution de la température moyenne dans certains espaces terrestres à l'échelle régionale ou locale. [...] (Jean-Benoît Bourron, "Changement environnemental global, changements globaux", Géoconfluences, mars 2017, modifié en novembre 2020 et mars 2023).

 

C'est d'ailleurs le sens de l'emploi du singulier dans les programmes. Ainsi, la fiche Éduscol liée au thème 3 du programme de géographie en classe de 5e précise que le changement global recouvre "l’ensemble des bouleversements environnementaux planétaires dont le changement climatique n’est qu’une composante" (p. 2).

 

Néanmoins, on constate souvent que le changement global est souvent, dans les médias voire dans les ressources proposées, restreint à la seule dimension du changement climatique (qu'il ne s'agit évidemment pas de nier ou d'oublier !). Pourtant, la déforestation massive et l'urbanisation généralisée ne doivent pas être étudiées "seulement" comme des facteurs du changement climatique, parce qu'elle constitue, en elles-mêmes, des changements globaux.

 

Ainsi, le glossaire de Géoconfluences note bien le glissement du vocabulaire de la géographie vers un emploi du pluriel, pour montrer la pluralité de ces modifications majeures de l'environnement liées à l'activité humaine.

 

"En français, l'expression a progressivement glissé vers un sens plus large pour désigner tous les changements imprimés aux écosystèmes par l'anthropisation, dans le cadre plus général de l'avènement d'un Anthropocène, une ère géologique dans laquelle les sociétés humaines transforment de manière irréversible leur environnement. L'usage du pluriel est de plus en plus fréquent : changements globaux permet d'insister sur l'aspect multiforme de ces changements et de ne pas les réduire au seul changement climatique, et d'inviter à une approche systémique. Les premiers articles scientifiques de géographie francophone employant l'expression au pluriel dans leur titre datent de la décennie 2010." (Jean-Benoît Bourron, "Changement environnemental global, changements globaux", Géoconfluences, mars 2017, modifié en novembre 2020 et mars 2023).

 

 

 

À l'inverse, le programme de géographie en classe de 5e a opéré un autre glissement, en passant du "changement global" dans le programme de 2016 au "changement climatique" dans les modifications apportées fin juillet 2020. Il est difficile de savoir quelles ont été les raisons de ce glissement : un choix politique (dans lequel le choix du vocabulaire employé et étudié n'est pas si neutre) ou didactique (alléger ce thème pour en fluidifier la mise en oeuvre).

 

Dans les deux cas, il semble dommageable, pour comprendre l'ampleur du changement à l'oeuvre, de restreindre le changement global dans sa pluralité à l'étude d'un seul des changements globaux. Une introduction sur le vocabulaire (l'affiche proposée n'est qu'une suggestion de mise au point du vocabulaire dans une introduction, reprenant les exemples cités dans la fiche Éduscol, parmi tous les possibles) permet, néanmoins, de faire réfléchir les élèves sur les interactions entre l'environnement et les activités humaines de manière plus globale.

 

À ce propos, le glossaire de Géoconfluences rappelle combien cette pluralité est nécessaire pour comprendre les interactions entre sociétés et environnements.

 

"Aux thèmes cités [dans la fiche Éduscol du thème 3 de géographie de la classe de 5e], on peut ajouter les questions de l'agriculture et des sols, de l'eau, de l'épuisement des ressources minérales, de la surpêche, de l'érosion de la biodiversité, et des risques sanitaires et épidémiologiques.(Jean-Benoît Bourron, "Changement environnemental global, changements globaux", Géoconfluences, mars 2017, modifié en novembre 2020 et mars 2023).

 

Les types de changements globaux par Benedicte Tratnjek

 

 

Il ne s'agit évidemment pas "seulement" de définir ni même de catégoriser (voire de cataloguer) les changements globaux, mais être au point sur le vocabulaire permet aux élèves de mieux appréhender les enjeux des changements globaux et les interactions entre ceux-ci (la déforestation, l'urbanisation généralisée, la surexploitation des ressources, etc. ont des impacts sur le changement climatique, qui, en retour, a des impacts sur la manière de produire et d'extraire les matières premières).

 

Des dispositifs comme la (très connue) fresque du climat peuvent être mobilisés pour amener les élèves à réfléchir et faire eux-mêmes les liens qui permettent de comprendre que les changements globaux dans leur pluralité amènent, ensemble, un changement global (qui recouvre toute la pluralité sémantique du terme : à la fois mondial et considérable).

 

 

QUELQUES POINTS DE VIGILANCE :

  • Il n'est pas neutre de parler de changement climatique "uniquement" (comme dans la modification des programmes de fin juillet 2020) : c'est réduire le changement global à une dimension unique, et prendre le risque de produire des représentations simplistes chez les élèves.
  • Il n'est pas neutre de n'évoquer le "changement global" qu'au singulier. S'il s'agit souvent de méconnaissance face à la définition réelle de "changement global", cela peut venir aussi de l'emploi du vocabulaire. L'emploi du pluriel est donc une possibilité à envisager pour bien faire prendre conscience aux élèves des multiples sources de modifications durables et massives de l'environnement par les sociétés, et donc de l'ampleur des effets sur la planète.

 

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