Après le précédent billet consacré à la vidéo de Joueur du Grenier parodiant, avec beaucoup de respect, Le dessous des cartes pour (re)présenter le monde de Mario, voici une autre vidéo montrant un monde imaginaire lié à l'enfance et à sa manière de représenter l'espace : Babar.
Cette vidéo, proposée par Marie Dougnac sur sa chaîne Youtube Archipel depuis le 26 janvier 2022, est à (re)découvrir pour de très nombreuses raisons : tout d'abord, la vidéo est très bien rythmée et agréable à regarder et écouter. De plus, elle est très documentée, précise, rappelle le contexte historique et urbanistique avec efficacité. De nombreuses sources et ressources sont indiquées dans la description de la vidéo sur Youtube.
Les albums de jeunesse sont le reflet de la société dans lesquelles ils émergent. Dans ce sens, ils sont souvent le reflet des utopies spatiales de leur époque. "La leçon d'urbanisme des Barbapapa" revient ainsi sur la crise du logement en France, et les idéaux urbanistiques des années 1970, dans un contexte où le changement climatique n'est pas encore une priorité (l'extension spatiale des villes n'est alors pas vécue comme un problème), où l'accès à la propriété individuelle est un idéal.
Cela aboutit, d'ailleurs, à des contradictions dans les interprétations contemporaines qui sont faites de cette maison :
- d'un côté, Barbapapa représente un urbanisme écologique si on le place dans son époque : soucieux de l'environnement, il fait avec l'espace ;
- de l'autre, chaque membre de la famille a une chambre individuelle, la maison de Barbapapa consomme beaucoup d'espace, elle s'étend pour mettre à distance les autres.
Dans cette perspective, Barbapapa se fait écho d'un idéal géographique et écologique, tel qu'il pouvait être pensé et promu dans une période urbanistique particulière, pendant laquelle le pavillon individuel en périphérie urbaine devient un idéal. Ce qui sera nommé, trois décennies plus tard, au vu des conséquences de l'étalement urbain, par les géographes Augustin Berque, Philippe Bonnin et Cynthia Ghorra-Gobin, "la ville insoutenable", qui aboutit au paradoxe actuel : la quête de "nature" (via le pavillon individuel dans les périphéries urbaines) aboutit à une destruction de la nature (par les moyens de transport individuels induits et par le grignotage sur les espaces naturels).
L'album La maison de Barbapapa témoigne de l'histoire de la ville et de l'urbanisme en France. Et cette vidéo le montre remarquablement !
On pourra la compléter avec la (re)lecture de l'article de Christophe Meunier (auteur du carnet de recherches Les territoires de l'album qui décrypte la géographie dans/par les albums de jeunesse) qui s'intéressait en 2012 aux espaces domestiques dans plusieurs albums de jeunesse, dont les Barbapapa (Christophe Meunier, 2012, "La maison de Barbapapa, Poutchy-Blue et les autres… La géographie des espaces domestiques dans les albums pour enfants", Cafés géographiques, rubrique Vox geographi, 9 juillet 2012).
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