Les conflits non armés en géographie

Si l'on croise les conflits dits "non armés" dans l'ensemble des programmes scolaires (à titre d'exemple, au collège, on retrouve cette notion dans tous les niveaux : pour les littoraux en classe de 6e, pour les ressources en classe de 5e, pour le tourisme en classe de 4e, pour l'aménagement du territoire en classe de 3e, etc.), la notion n'est pas toujours définie et les élèves peuvent peiner à comprendre de quoi il retourne. De plus, selon les études de cas proposées, les élèves croiseront alternativement les termes de "conflits d'usage", "conflits environnementaux", "conflits d'aménagement", etc., et ce parfois pour la même étude de cas. Il n'est donc pas aisé pour eux de s'y retrouver.

Les géographes travaillant sur les conflictualités qui n'entraînent pas l'usage des armes (à la différence, donc, des conflits armés) sont très nombreux à avoir défini cette notion de "conflit non armé". On reprendra celle proposée par la géographe Anne Cadoret : un conflit est "un processus où s'opposent de façon manifeste deux ou plusieurs acteurs, mettant en cause des ressources (naturelles, environnementales, culturelles...) et où l'espace est support, objet ou impacté" (ancienne page du C.V. d'Anne Cadoret à l'Université de Dijon, non disponible désormais, consultée en 2013).

Pour définir le conflit, deux éléments sont à retenir (Anne Cadoret, 2011, "Analyse des processus conflictuels. Le cas du littoral du Languedoc-Roussillon", L'Espace Géographique, tome 40, n°2011/3, pp. 231-244) :

• "Le conflit correspond à une opposition manifeste entre deux ou plusieurs acteurs : il se distingue des tensions par un passage à l’acte qui prend des formes diverses (menaces, voies de faits, recours aux tribunaux, verbalisation, médiatisation, etc.)" ;
• "le conflit est un processus, composé de plusieurs phases : l’émergence, les manifestations d’oppositions et la régulation. Il ne s’agit cependant pas d’un processus linéaire".

L'approche géographique tend également à ne pas restreindre le conflit au seul espace-support du conflit, mais à prendre en compte à la fois l'espace-support et l'espace de la mobilisation, c'est-à-dire à penser l'espace du conflit par la diffusion spatiale de la mobilisation et de la contestation. Il s'agit enfin de penser la mobilisation dans un systèmes de conflits : ainsi, l'opposition au projet de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes a été soutenue par des manifestations à Chambéry où les manifestants se retrouvaient dans une opposition plus générales à de grands travaux d'aménagement, qui associaient le conflit d'aménagement contre le projet d'aéroport en Loire-Atlantique et un conflit concernant directement le territoire chambérien, à savoir l'opposition à la LGV Lyon-Turin.

Une fois la définition de "conflit" posée avec les élèves, ceux-ci se retrouvent confrontés, notamment dans l'étude de documents, à la pluralité des types de conflits non armés. Pour le programme de 5e, par exemple, sur les ressources, il sera le plus souvent question de conflits d'usages. Ces conflits d'usages se retrouvent aussi dans le programme de 4e, pour le tourisme, où l'on retrouve également le terme de conflits de nuisances, notamment autour des enjeux du tourisme de masse et de ses contestations par les habitants des territoires mis en tourisme. En classe de 3e, les élèves sont plus souvent confrontés au terme de conflits d'aménagement. En classe de Seconde générale et technologique, les élèves (re)découvrent le terme de conflits environnementaux, avec le thème sur l'environnement. En classe de Terminale générale, les élèves qui ont pris l'enseignement de spécialité Histoire Géographie Géopolitique Science Politique (HGGSP) étudient également les conflits patrimoniaux, autour du thème sur le patrimoine. Et ce ne sont là que quelques exemples.

Les termes se multiplient : conflit d'aménagement, d'usages, de nuisances, patrimoniaux, environnementaux, d'accès, de délimitation, etc. De plus, certains conflits non armés sont qualifiés de plusieurs manières : ils peuvent alors être à la fois un conflit d'aménagement et un conflit d'usages. Cette multiplication des termes pour désigner les conflits non armés peut perdre les élèves...

En reprenant cette logique, il est alors possible d'expliquer aux élèves ce qui différencient ces conflits : ce qui définit le type de conflit non armé est en jeu dans l'espace. S'il ne s'agit pas de faire des élèves des experts dans la géographie des conflits non armés, il s'agit surtout pour l'enseignant de pouvoir expliquer ces termes et leurs usages. Pour les élèves, il ne s'agit pas d'apprendre des listes de définitions, mais d'avoir des repères (par exemple, un lexique à disposition) pour comprendre et s'emparer des documents qu'ils doivent étudier.

Bien d'autres types de conflits pourraient être définis, il s'agissait ici de ne pas charger l'infographie outre mesure. On retrouvera notamment, pour les programmes du secondaire principalement :

• conflit patrimonial : conflit portant sur les modalités de la mise en oeuvre de la protection du patrimoine,
• conflit d'accès : conflit portant sur les restrictions de mobilités liées à une modification majeure dans le territoire (ex : périmètre d'un parc national, implantation d'une grande infrastructure, etc.).