· 

Le livret "Ce que j'ai appris" : un outil pour favoriser l'engagement et la mémorisation entre la classe et le hors la classe

 

Ce billet a pour objectif de présenter les liens qui peuvent être mis en place entre un outil déployé en classe et hors la classe.

 

En partant du modèle du "journal des apprentissages" (parfois appelé "carnet de bord", "cahier des apprentissages", "cahier de réactivation" ou encore "portfolio des apprentissages"), l'outil proposé ici (avec une explication sur son évolution à venir) a pour but de présenter plus globalement une réflexion sur les liens entre les temps dans la classe et les temps hors la classe.

 

La question des devoirs hors la classe est souvent débattue de manière binaire ("pour ou contre les devoirs ?"), alors qu'elle repose d'abord sur ce qu'on entend et ce qu'on attend parmi les types de devoirs qui sont donnés hors la classe. Il me semble donc qu'il n'y a pas de réponse univoque (pour ou contre), mais une multitude de réponses qui dépendent de la pratique pédagogique à l'oeuvre en classe. Une constante peut toutefois être rappelée dès l'introduction de ce billet : le travail demandé hors la classe aux élèves n'a d'effet sur les apprentissages que s'il y a remobilisation et remédiation en classe.

 

Le "détour" par la question des devoirs hors la classe permet ici de "cadrer" ce qui est attendu des élèves et investi dans l'outil proposé. Autrement dit, un outil n'a d'efficacité que son but est identifié par l'enseignant, identifiable par les élèves et cohérent avec la démarche qu'il propose.

 

 

 

La question des devoirs à la maison en jeu

Certaines représentations amènent à des malentendus autour de la question des devoirs à la maison :

  • du côté des enseignants, il existe une "pression" (réelle ou supposée, selon les contextes locaux mais aussi les différentes expériences) autour des attentes des familles des élèves qui souhaiteraient des devoirs à la maison, qui seraient le révélateur de l'engagement de l'enseignant dans son travail ;
  • du côté des familles, les devoirs à la maison sont tout à la fois une angoisse (car ils représentent un temps souvent conflictuel dans la vie familiale) et un repère (car ils permettent de suivre les apprentissages de son enfant et d'avoir un lien avec ce qui se passe dans la journée de cours). Néanmoins, si les familles s'attendent à des devoirs, cela ne signifie pas nécessairement qu'elles attendent des devoirs. C'est davantage l'expression d'une interprétation de ce que "doit" être l'École, plus qu'un attendu de la part des familles.

Les débats autour de la question "Faut-il ou non des devoirs à la maison ?" sont très nombreux. L'une des réponses institutionnelles vient dans le mille-feuilles de dispositifs qui aident l'élève en dehors du temps de classe mais à l'intérieur de l'établissement (par exemple, le dispositif Devoirs faits dans les collèges).

 

Pourtant, la question ainsi posée (qui devient très souvent un "pour ou contre les devoirs à la maison ?") participe d'une impasse dans la réflexion. La question n'est pas de savoir si du travail peut être attendu des élèves hors la classe, mais de savoir comment ces devoirs sont utiles au travail personnel de l'élève. Comme le précise André Tricot, "si on donne des devoirs, autant qu'ils servent à quelque chose. [...] Et s'ils servent à quelque chose, autant que ce soit pour apprendre" (André Tricot, "Les "devoirs utiles". Finalités, démarche, réalisation, évaluation", conférence, 16 octobre 2017).

 

De son côté, Patrick Rayou résume bien l'impasse de la question "pour ou contre" quand il s'agit de penser davantage "quels types de devoirs".

 

 

 

Il existe plusieurs manières de caractériser et catégoriser les devoirs hors la classe : en fonction de leur finalité, de leur temporalité, de leur intensité, de leur durée, de leur difficulté, etc. (voir ci-dessous la partie "C comme Catégories" dans le CQFD des devoirs à la maison).

 

Les devoirs doivent d'abord être pensés en fonction de leur place dans la séquence et du réinvestissement dans la classe (des devoirs sans réinvestissement sont inutiles dans les apprentissages, qu'il s'agisse de réinvestir la mémorisation, de remédier à des activités, etc.) : devoir de préparation, devoir de pratique, devoir de poursuite ou devoir de créativité (voir ci-dessous la partie "Q comme Quatre" dans le CQFD des devoirs à la maison).

 

Le livret "Ce que j'ai appris" : finalités et modalités

 

Parmi les devoirs "classiques", les enseignants attendent des élèves qu'ils reprennent leur cours avant de revenir à une séance. Cet attendu est souvent implicite pour les élèves, car "seulement" précisé en début d'année comme un attendu permanent. Il relève souvent de l' "évidence" pour les enseignants, mais il n'est approprié comme tel que de manière très hétérogène par les élèves, ce qui en fait un révélateur d'une inégale appropriation des codes scolaires par les élèves (qui ne reflète pas la quantité de travail, mais davantage la compréhension des attendus).

 

Même en indiquant systématiquement (pour chaque séance) dans les agendas (papier et/ou numérique) des consignes allant dans ce sens, il reste difficile pour les élèves de se motiver et de prendre du temps, hors la classe, pour un devoir sur lequel il n'y a pas de retour en classe. Cette consigne est désincarnée pour les élèves, et elle se "noie" dans d'autres devoirs qui, eux, sont "matériels" et dont l'effet est immédiat et visuel (ex : faire un exercice -> si le devoir est fait, cela se voit sur le cahier).

 

L'idée de fournir un livret annuel s'inspire du cahier de réactivation, en simplifiant la démarche, puisqu'il n'intègre pas de calendrier précis de réactivation. Il peut être tout autant associé à une discipline et utilisé de manière transversale en cas d'accord dans l'équipe pédagogique, mais aussi comme outil facilitateur dans des séances de Devoirs faits.

 

Quelque soit la format adopté, plusieurs principes doivent être pensés pour favoriser l'engagement de l'élève dans son travail de mémorisation hors la classe :

  • le fonctionnement de l'outil adopté doit être explicité aux élèves,
  • le travail effectué hors la classe doit être l'objet d'une reprise ritualisée en classe.

 

Le livret "Ce que j'ai appris" en classe

Copie de Livret "Ce que j'ai appris" par Benedicte Tratnjek

En classe, le livret "Ce que j'ai appris" permet de rendre visible la jonction entre ce qui est fait en classe et ce qui est demandé à la maison en termes de mémorisation.

 

Il est très difficile, pour des jeunes, de mettre réellement en pratique les conseils donnés par leurs enseignants pour mémoriser de manière plus efficace et plus durable, à savoir apprendre en plusieurs séances espacées.

 

Si les élèves sont toujours intéressés et convaincus lorsqu'on leur montre et explique la courbe de l'oubli, il est plus difficile de mettre en application l'apprentissage espacé hors la classe.

 

Le livret "Ce que j'ai appris" a pour objectif de ritualiser la mémorisation du cours hors la classe en accompagnant l'élève dans et hors la classe :

  • hors la classe, l'élève doit compléter une case à la suite de chaque séance ;
  • dans la classe, chaque entrée de cours commence par le rituel "Ce que j'ai appris" : un élève sélectionné au hasard par une roue interactive doit lire son livret.

Ainsi, le livret est un outil concret, matériel, palpable, pour faire le lien entre la classe et le hors la classe.


 

 

PREMIER USAGE DU LIVRET ET REMÉDIATION :

Le livret "Ce que j'ai appris" a été utilisé une première fois, avec une forme légèrement différente de celle proposée ici. Une grande case par jour était proposée aux élèves, qui devaient répondre à la question "ce que j'ai appris". Si je pensais que des élèves confondraient dans les premières semaines le "quoi" (ce que j'ai appris) et le "comment" (comment a-t-on procédé pour apprendre), il m'avait semblé important de centrer le livret que les connaissances apprises, et de remédier oralement pour que les élèves s'approprient cette différence progressivement.

 

Néanmoins, après 6 mois sur 3 classes, les élèves répondant "comment j'ai appris" (ex : "on a étudié des documents et complété un tableau") sans aucune allusion aux connaissances revues/apprises restent assez nombreux.

 

Une deuxième version du livret est donc proposée ici : elle fait apparaître la rubrique "comment j'ai appris". Si elle ne constitue pas un élément à retenir, elle apparaît désormais dans le livret "Ce que j'ai appris" pour permettre aux élèves de s'approprier plus efficacement la différence entre le "quoi" et le "comment".

La fiche "Ce que j'ai appris" dans les séances Devoirs faits

Cette démarche peut se poursuivre dans les dispositifs hors la classe d'aide aux devoirs, tels que Devoirs faits. Une fiche neutre (sans discipline précise) est proposée aux élèves.

 

Au recto, la partie à compléter comprend trois rubriques :

  • ce que j'ai appris,
  • comment j'ai appris,
  • mes questions : ce que je n'ai pas compris.

Au verso, la fiche propose une explication pour compléter chaque rubrique.

 

Dans le dispositif Devoirs faits, cette fiche est à disposition des élèves pour leur permettre de lire leurs cours de manière active, c'est-à-dire en cherchant à se poser des questions sur leurs cours. Si l'outil est moins efficace que la construction par les élèves de fiches de mémorisation active, il s'adresse aux élèves plus jeunes (6e et 5e) pour qui il propose une étape intermédiaire avant de savoir, seuls, construire des questions et des réponses sur leur cours. De plus, il est proposé pour toutes les disciplines et toutes les pratiques pédagogiques (que l'élève dispose ou non de fiches de mémorisation active dans son cours).

 

La fiche est plastifiée, à disposition des élèves qui peuvent la complétée avec un stylo effaçable, l'effacer et la réutiliser. Quelques fiches peuvent être imprimées en papier pour que les élèves qui en ressentent le besoin gardent la trace de leur lecture active de leur leçon. L'intérêt est de permettre aux élèves d'identifier ce qu'ils ont appris et ce qu'ils ont compris ou non parmi ces connaissances. Les élèves peuvent formuler des questions dans leur cahier de brouillon à la suite de cette lecture active pour les poser à leurs enseignants à la prochaine heure. L'intervenant Devoirs faits peut lui aussi, de son côté, relever des questions récurrentes parmi le groupe d'élèves suivi pour les signaler aux enseignants concernés. Ainsi, cette fiche assure la liaison entre le travail personnel de l'élève dans la classe et hors la classe, sans une mise en place lourde ni pour l'élève ni pour l'intervenant.

 

 


 

Pour favoriser l'engagement des élèves, il est nécessaire que le fonctionnement de la fiche soit explicité aux élèves, et il est très souhaitable que le même outil soit déployé quelque soit l'intervenant accompagnant les élèves hors la classe (qu'il s'agisse d'intervenants dans le dispositif Devoirs faits ou d'un autre dispositif hors la classe, ou des familles). 

 

 

=> Les outils proposés ici ne prétendent pas être modélisants. Ils sont des possibles parmi d'autres, et ce billet vise à en présenter le fonctionnement pour permettre une appropriation qui réponde à la fois aux besoins de ses élèves et de sa pratique pédagogique. L'enjeu n'est pas d'imposer un outil, mais de discuter autour d'outils facilitant l'engagement des élèves.

 

Écrire commentaire

Commentaires: 0